Contrairement à ce que croient beaucoup d’employeurs, notamment chirurgiens-dentistes, un contrat à durée déterminée (CDD) ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et dans les cas limitativement énumérés par l’article L.1242-2 du code du travail, à savoir :
- Remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, ou d’attente de l’entrée en service d’un salarié recruté sous contrat à durée indéterminée et non disponible à ce moment-là ou de départ définitif précédant une suppression de poste.
- Remplacer une personne exerçant une profession libérale ou un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens ou d’une société d’exercice libéral.
- Remplacer un salarié passé provisoirement sur un temps partiel avec un avenant au contrat de travail ou un échange écrit entre l’employeur et ce salarié.
- Faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ( 4 situations sont visées dont la première seule pourrait à la rigueur concerner un cabinet dentaire : augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, exécution d’une tâche occasionnelle précisément définie et non durable, survenance d’une commande exceptionnelle à l’exportation et exécution de travaux urgents pour des mesures de sécurité ).
Le CDD ne peut donc être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans certaines hypothèses. Il ne peut en aucun cas avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il n’est pas non plus possible d’y recourir pour le motif d’accroissement temporaire de l’activité si dans les six mois précédents il a été fait dans l’établissement un licenciement économique. Cette interdiction s’applique au poste concerné par le licenciement.
Le contrat à durée déterminée doit être écrit et signé par le salarié. Il doit indiquer le motif du caractère déterminé du contrat et la durée de la période d’essai éventuellement prévue ( 2 semaines à un mois selon la durée du contrat). Le contrat doit être remis au salarié dans les deux jours suivant l’embauche.
La sanction d’un CDD irrégulier :
A défaut d’être établi par écrit et de comporter un motif, ce contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée ainsi que l’a jugé la Cour de Cassation (voir un arrêt de la Chambre Sociale du 2 juin 2012 n° 08-44630 selon lequel : « Mais attendu qu’aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; qu’il en résulte que l’employeur ne peut employer des salariés sous contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre ;
Et attendu qu’ayant constaté que du 21 mars 2003 au 6 mai 2006, à l’exception de six semaines en 2004, et quel que soit le remplacement assuré à l’occasion des quatorze contrats à durée déterminée conclus et des avenants temporaires au contrat à durée indéterminée, la salariée avait effectué avec la même qualification et le même salaire des tâches similaires, pour des durées limitées et répétées et combler un besoin structurel de main d’oeuvre de l’employeur, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder aux recherches prétendument omises selon les première et troisième branches que ses constatations rendaient inopérantes, et qui en a déduit que les contrats litigieux, qui avaient pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée a légalement justifié sa décision ;« ).
Un salarié bénéficaire d’un CDD irrégulier parce que ne comportant pas un des motifs prévus par le code du travail pourrait donc saisir le Conseil des Prud’hommes pour faire requalifier son contrat en CDI. L’employeur est aussi passible en cas de fraude de sanctions pénales : amende de 3750 Euros au maximum portée à 7500 Euros en cas de récidive et même d’une peine d’emprisonnement de 6 mois…
Durée du CDD :
Selon le motif pour lequel l’employeur recourt à un CDD, celui-ci doit comporter un terme précis ou peut être signé pour un terme imprécis ( remplacement d’un salarié absent par exemple ). Seul un contrat à terme précis peut être renouvelé.
La durée maximale du contrat, renouvellement compris, est de 18 mois. Dans certaines hypothèses, elle peut être seulement de neuf mois ou au contraire s’allonger jusqu’à 24 mois. Si le CDD est poursuivi au-delà de la durée légale de 18 mois, le salarié peut demander à la justice sa requalification en contrat à durée indéterminée.
La résiliation du CDD :
Il faut retenir qu’une fois la période d’essai achevée, le CDD ne peut pas être rompu avant l’arrivée du terme, sauf dans les cas suivants :
– accord des parties ;
– force majeure ;
– faute grave ou faute lourde ;
– justification par le salarié d’une embauche en contrat à durée indéterminée.
L’employeur ne peut donc pas rompre un CDD pour une faute qui pourrait constituer un motif réel et sérieux de licenciement dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, mais qui ne peut être qualifiée de faute grave. De même, le licenciement pour motif économique n’est pas envisageable pour un salarié recruté en CDD.
A l’exclusion de ces quatre cas prévus par la loi, la rupture du CDD n’est pas autorisée et l’auteur de la rupture peut être condamné à payer des dommages et intérêts à l’autre partie.
La démission n’est pas admise comme mode de rupture d’un CDD. Pourtant, s’il y a rupture du contrat à l’initiative du salarié en dehors des cas prévus par la loi, le Conseil des Prud’hommes, s’il est saisi, va d’abord rechercher si la rupture n’a pas pour origine une faute grave de l’employeur et lui est donc imputable.
L’accord des parties :
Un accord entre l’employeur et le salarié peut mettre fin au contrat de travail à durée déterminée.
Par contre, l’accord des parties ne signifie pas que le salarié peut accepter par avance la rupture anticipée de son contrat à l’initiative de son employeur pour un cas non prévu par la loi.
Par ailleurs, le salarié ne peut pas rompre unilatéralement son contrat par anticipation, sauf s’il justifie d’une embauche en contrat à duré indéterminée.
(L’accord doit faire l’objet d’un écrit. Il doit en résulter une volonté claire et non équivoque).
La force majeure :
La force majeure est caractérisée par un événement imprévisible, irrésistible, insurmontable et externe à l’entreprise qui permet à l’employeur de mettre fin au CDD en cours.
Ces critères sont très strictement appréciés : elle n’est une cause de rupture du CDD que si l’événement rend totalement impossible la poursuite du contrat (et non pas seulement plus difficile ou plus onéreux).
Ainsi, la cessation d’activité de l’employeur, son redressement ou sa liquidation judiciaire, les difficultés économiques, la maladie ou l’inaptitude physique du salarié ne constituent pas non plus des motifs justifiant la rupture du CDD.
En revanche, l’incendie ayant détruit entièrement les installations de l’entreprise est un événement de force majeure.
La faute grave ou la faute lourde :
La rupture du CDD est admise lorsque l’une des parties a commis un manquement grave à ses obligations.
La faute grave rend impossible la poursuite du contrat jusqu’à son terme. C’est pourquoi, l’employeur qui prévoit un préavis en cas de faute grave se prive de la possibilité d’invoquer la faute grave.
La faute peut venir aussi bien du salarié que de l’employeur.
Constituent ainsi une faute grave :
– le fait pour l’employeur de ne pas fournir au salarié la rémunération prévue ou de ne pas lui fournir de travail ;
– le fait pour un comptable de s’octroyer unilatéralement une prime ;
– l’attitude du salarié persistant à arriver en retard en dépit des avertissements de son employeur et ayant ainsi modifié ses horaires de travail (en revanche, un simple retard n’est en général pas considéré comme une faute grave).
Le salarié peut demander au juge la résiliation judiciaire du CDD en cas de faute grave de l’employeur.
La faute grave du salarié le prive de l’indemnité de précarité, mais pas de l’indemnité de congés payés qui reste due, sauf faute lourde du salarié.
Il est à noter que la faute grave peut être une faute involontaire.
La rupture du CDD est également admise en cas de faute lourde. La faute lourde se distingue de la faute grave par le fait que la faute lourde a été commise dans l’unique intention de nuire à l’employeur ou au salarié. Il faut donc, lorsqu’on invoque une faute lourde, être en mesure d’établir l’intention de nuire, ce qui est rarement reconnu par les tribunaux.
La rupture par le salarié du fait d’une embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) :
La rupture du CDD par le salarié justifiant d’une embauche en contrat à durée indéterminée est autorisée par la loi.
Une fois que le salarié a notifié par écrit la rupture du contrat, il doit respecter un préavis ; dans ce cas, l’indemnité de précarité n’est pas due au salarié.
Les conséquences financières d’une rupture injustifiée
En dehors de l’accord des parties, de la force majeure, de la faute grave ou lourde et de l’embauche du salarié sous CDI, toute rupture anticipée ouvre droit pour l’autre partie à des dommages et intérêts.
La rupture du fait de l’employeur ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations brutes que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat.
Les dommages et intérêts sont destinés à réparer le préjudice causé par la perte de salaire. Le salarié peut en outre obtenir réparation de son préjudice moral.
Sauf exception l’indemnité de précarité et l’indemnité de congés payés restent dues au salarié.
En dehors du cas où le salarié justifie d’une embauche en contrat à durée indéterminée, lorsque la rupture a lieu à l’initiative du salarié, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts à l’employeur, le calcul se faisant en fonction du préjudice subi. Cependant, en pratique, il appartiendra à l’employeur de prouver son préjudice (perte de clients, désorganisation de l’entreprise ayant eu des conséquences financières…).
Le cas particulier du contrat de professionnalisation
Ce dernier contrat qui est lui aussi à durée déterminée est fréquemment utilisé dans les cabinets dentaires car il a pour but de permettre au salarié d’acquérir une qualification (par exemple celle d’assistant(e) ou d’aide dentaire), c’est ce que l’on appelle un contrat de formation en alternance prévu par l’article L.6325-1 du code du travail.
Il s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, aux demandeurs d’emploi âgés de 26 ans et plus et aux bénéficiaires de certaines allocations ou contrats. Son objectif est de leur permettre d’acquérir une qualification professionnelle (celle d’aide dentaire, d’assistante dentaire ou de prothésiste dentaire) et de favoriser leur insertion ou réinsertion professionnelle. Sa durée est en principe de 24 mois, soit le temps de la formation (il peut éventuellement être à durée indéterminée).
A son issue, l’employeur peut conserver le salarié à son service en lui offrant un contrat à durée indéterminée ou bien ne pas poursuivre les relations de travail.
Les bénéficiaires âgés de 16 à 25 ans révolus sont rémunérés en pourcentage du Smic selon leur âge et leur niveau de formation ( 65 à 80%), les salariés âgés de 26 ans et plus perçoivent une rémunération qui ne peut être ni inférieure au SMIC ni à 85 % du salaire minimum conventionnel. Ce contrat ouvre droit pour l’employeur, pour certaines embauches et dans certaines limites, à une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale.